Le rôle du Faron pendant le siège de TOULON de 1793

Durée : d’août à décembre 1793

Contexte :

A Toulon, port de guerre essentiel à la défense de la France, une insurrection royaliste a chassé les représentants républicains de la ville. Les responsables de cette insurrection ont aussitôt appelé à l’aide la flotte anglo-espagnole. Celle-ci entre dans la rade le 27 août 1793 et débarque avec près de 20000 hommes. Ce conflit oppose donc l’armée de la Première République française aux troupes anglaises et espagnoles.

Ce qui suit ne concerne que les évènement directement liés au Mont Faron et ne traite pas les combats menés à l’ouest de Toulon directement par Napoléon Bonaparte.

Forces en présence :

32000 hommes pour les Républicains et 22000 hommes pour les anglais et espagnols.

Pertes : 2000 morts ou blessés pour les français et 4000 morts pour les anglais et espagnols, plus 900 royalistes fusillés en représailles sur la Place du Champ de Mars située à Toulon.

Déroulé sur les pentes du Faron :

Première tentative : nuit du 30 septembre au 01 octobre 1793

Les anglais occupent la ville de Toulon et l’armée républicaine envoie deux bataillons (composés de 1700 à 1800 hommes, selon les auteurs) sur le côté nord du Faron pour attaquer à revers l’ennemi. Ces deux bataillons furent divisées en 3 colonnes de 1700 hommes chacune.

Le général La Poype prit le commandement de la colonne du centre « pour porter secours partout si besoin« , celle de droite, « chargée de l’attaque véritable », fut placée sous les ordres du lieutenant colonel Claude Victor Perrin, appuyée par celle de gauche, qui avait pour mission de la seconder, « par une attaque simulée« .

(A noter qu’aujourd’hui existe une grotte nommée « l’Aven grotte Perrin » et située sur le trajet de l’attaque).

Vers 2h du matin, Perrin, précédé d’une avant-garde de 200 hommes, gagna par le vallon des Favières le Pas de Leider (rebaptisé par les grenadiers de Bonaparte « le Pas de la Masque », qui signifie « le sentier du mauvais sort » et qui porte encore ce nom aujourd’hui).

Et c’est par un intense brouillard que le détachement républicain s’achemina vers la crête du Faron  » à travers les roches aiguës qui hérissent les flancs » de la montagne.

A l’aube, et à l’approche des troupes françaises, les Espagnols (un « piquet » de 60 hommes) en garde du Pas de Leider s’enfuirent ainsi que ceux qui tenaient plus à l’ouest le col des Monges (aujourd’hui au bout du parking du mémorial).

Les premiers rejoignirent la redoute de Croix Faron (la même qu’au cours du siège de 1707 !!) tandis que les seconds se replièrent vers le fort de Saint Antoine. Peu après, la colonne La Poype, venant d’arriver à son tour sur les crêtes, marcha sur la redoute de Croix Faron et s’en empara d’autant plus facilement qu’elle venait d’être évacuée par sa garnison.

Désormais, certain de sa victoire prochaine, il fit alors parvenir au Général Carteaux le message plein d’enthousiame suivant : « Les troupes de la République viennent d’enlever la montagne du Faron, les retranchements et les redoutes- signé La Poype »

Mais si La Poype occupait le sommet de la montagne, il n’occupait pas le Fort Faron (juste en dessous de la Croix Faron) où les soldats refoulés par cette soudaine attaque étaient venus se réfugier, renforçant par la même occasion sa garnison. De plus il négligea d’envoyer des hommes pour garder le poste du Pas des Monges.

Pour le Général La Poype, la conquête du Faron allait plus dure que ce qu’il avait escompté.

Toulon, au lever du jour, des timoniers espagnols en liaison avec les forts extérieurs, aperçurent, en provenance du Fort Faron, des signaux sollicitant un secours immédiat. Cette demande, ainsi que le fait que l’on pouvait apercevoir des colonnes républicaines manoeuvrer sur les sommités du Faron (à cette époque il n’y avait pas d’arbres) fut signalée aux autorités, mais celà ne changea rien aux dipositions prises par les coalisés pour la cérémonie de l’avénement de Louis XVII devant se dérouler ce matin du 1er octobre 1793.

En attendant mieux, Lord Elphinstone, gouverneur anglais, envoya 90 hommes à la rescousse du Fort Faron.

Bientôt les cloches de Toulon sonnèrent à toute volée. Les rues s’emplirent d’une foule endimanchée qui se dirigea vers le Champ de Bataille (aujourd’hui Place d’Armes) où un autel avait été dressé. Toutes les autorités civiles et militaires étaient présentes : les Anglais, les Espagnols, les Napolitains, les Sardes revêtus de leur tenue de parade.

Le drapeau blanc à fleur de lys fut hissé sur un grand mât, tandis que tonnèrent les canons des forts et des vaisseaux. Les troupes poussèrent cinq fois le cri de « vive le Roi » et tous célébrèrent dans la première ville libérée, l’avènement de Louis XVII, fils du Roi martyr.

Pendant ce temps, au loin la fusillade crépitait et les pentes du Faron se couvraient de fumée. Tout le monde pouvait apercevoir, de la ville, une partie des soldats de la République manoeuvrer sur les hauteurs du Faron. Rapellons que ce dernier était à cette époque totalement dépourvu de végétation.

Les grands chefs alliès, rassemblès sur la place et passablement inquiets, quittèrent alors précipitament l’endroit pour tenir un conseil de guerre. Lors de ce conseil de guerre, il fut décidé d’attaquer le Faron avec deux colonnes fortes de 1200 hommes chacune. Sans plus attendre, la manoeuvre de contre attaque fut entamée et, en tout début de matinée, les deux colonnes se mirent en marche vers les sommités du Faron.

La première, commandée par Lord Mulgrave, prit le chemin menant au fort Saint-Antoine. La seconde sous les ordres de l’Amiral Gravina emprunta le Chemin de Claret. Puis, par le chemin de la Colline, elle fit jonction au niveau du plateau des Jésuites avec la première colonne.

Ensemble elles grimpèrent par le « sentier du Roy » et rejoignirent le haut du Mont Faron au niveau du Pas des Monges. De là elles se dépoyèrent vers l’Est en direction du Pas de Leider (aujourd’hui Pas de la Masque).

(C’est exactement le même parcours qu’emprunta l’armée royale de Louis XIV pour chasser les Anglais au cours du Siège de 1707 ….. mais les intervenants sont inversés en 1793 : ce sont les Anglais cette fois ci qui vont chasser les Français !!!)

Les Républicains, ayant aperçu la manoeuvre, se rangèrent alors en ordre de bataille en avant et à l’Ouest du retranchement du Pas de Leider, et attendirent l’ennemi de pied ferme.

Les troupes coalisées montèrent à l’assaut « avec hardiesse« . Impressionnés par le feu de file des grenadiers et la promptitude de l’attaque, les Républicains, qui auraient pu essayer de conserver leur position pour fuir et rejoindre le vallon des Favières, se replièrent au contraire sur la Redoute de la Croix Faron.

Les troupes coalisées entraînées par Lord Mulgrave poursuivirent alors les fuyards jusqu’à la redoute.

Là, au cri de ‘Vive le Roi », et au bruit du canon de l’escadre, elles passèrent à l’assaut final.

Seconde tentative : 17 décembre 1793

Le soir du 16 décembre, Napoléon et les troupes de la Convention déclenchent l’assaut final.

Au Faron, une nouvelle attaque se prépare sous le commandement à nouveau du général La Poype.

La colonne principale (composée de trois bataillons) quitte le château de Beaudouvin pour marcher sur le Fort Faron et la redoute de la Croix Faron.

A la même heure, sous une pluie torrentielle et un brouillard intense, une autre colonne de 2200 hommes montait à l’assaut du Faron. Cette colonne, sous les ordres de l’adjudant général chef Micas, venait de quitter le village du Revest et, via le vallon des Favières, s’engageait guidée par des bucherons et bergers du Revest, sur la draille montant au fameux Pas de Leider.

Pendant ce temps, à l’ouest, la dernière colonne composée de deux bataillons, sous le commandement de l’adjudant Argod, partait du Revest avec le fort Saint-Antoine comme objectif. Sa mission était de s’emparer de cet ouvrage et d’empêcher tout acheminement de renfort adverse en direction du Faron.

La colonne La Poype, arrivée à mi-pente du Faron, ne put bientôt plus progresser à cause du brouillard et de la pluie intense qui empêchaient toute visibilité. La Poype fit alors arrêter ses hommes et donna l’ordre d’attendre le jour.

Quand à la colonne Micas, malgré la pluie, elle progressait toujours, les hommes lourdement chargés et à la queuleuleu s’accrochant les uns les autres par les basques de leur habits pour ne pas se perdre dans cette nuit apocalyptique. Tandis que plus à l’ouest, la colone Argod, après avoir vainement tenté une attaque sur le Fort Saint-Antoine, venait de prendre le parti de rejoindre le sommet du Faron par le Pas des Monges.

Vers les trois heures du matin, les hommes de pointe de la colonne Micas débordèrent le Pas de Leider et prirent le poste tenu par les Anglais pendant que la colonne Argod enlevait le Pas des Monges.

Peu de temps après, les deux colonnes firent jonction et toutes deux se portèrent sur la redoute de la Croix Faron où elles firent reçues « avec le plus grand courage« .

« Quand le jour pâle se fut levé« , nous explique Pierre Vieillefosse dans son ouvrage « Bonaparte au siège de Toulon-1793 », les hommes de la colonne Micas restés en faction au Pas de Leider « s’aperçurent qu’ils avait failli être victimes d’une machine infernale. Les Anglais avaient suspendu au-dessus du Pas de Leider, un plateau de madriers sur lequel avaient été placés environ deux tonnes de pierres.

Quelques cordages retenaient la machine, et il aurait fallu un coup de sabre pour que tout dégringole, balayant le sentier jusqu’au pied de la montagne. Seule la surprise avait empêché le sabreur de service de faire son devoir « .

Ce ne fut qu’à huit heures du matin que La Poype pût sortir du brouillard et attaquer avec succès le fort Faron, en dépit d’une défense très vive.

Le 19 décembre, les troupes de la Convention entrent dans la ville livrée à elle-même. Environ 15000 toulonnais se réfugient sur les navires britanniques.

Les jours suivants, les habitants demeurés dans la ville sont victimes d’une sanglante répression : 700 à 800 toulonnais sont sommairement fusillés au niveau du Champ de Mars. Le 24 décembre 1793, la Convention vote le décret suivant : « le nom infâme de Toulon est supprimé. Cette commune portera désormais le nom de Port La Montagne » . Ce nom perdurera jusqu’à la chute de l’Empire en 1814.

Ce siège marque le début de l’ascension de Napoléon Bonaparte : arrivé simple capitaine à Toulon, il en repart général (nommé le 22 décembre 1793) et conquiert ainsi quatre grades en quatre mois.

Sa prochaine aventure se jouera en Italie…

Sources : Synthèse réalisée à partir des diverses revues annuelles des membres des Amis du Vieux Toulon / Histoire de Toulon à la médiathèque de Chalucet / Photos, cartes, film et mise en page de Pascal Bouyer