Les Chroniques de Pierre Vignes – épisode 1

« Mon » Faron

Mont Faron ou mon Faron ? Non, il n’y a pas d’erreur typographique. L’adjectif possessif ne marque pas une revendication de propriété, mais seulement une petite part d’intimité privilégiée, dans des circonstances qui ne sont pas courantes. Par contre j’ai infiniment moins donné de mon temps et de ma sueur à cette colline inspirée que ne l’ont fait ses vigilants protecteurs à qui va toute notre gratitude.

A ce sujet, un retour en arrière s’impose, plus d’un demi-siècle avant le jour où je rédige ces bribes de mémoire. En 1965, je compte, dans une de mes classes de Cinquième, un élève nommé Michel Bonjardini. C’est un jeune garçon au caractère bien trempé, sérieux et volontaire. Dans la salle de classe, il a choisi une place stratégique qui lui permet de profiter au mieux de l’enseignement dispensé. Mes archives, précieusement conservées, détaillent ses résultats scolaires pour ma discipline, les « Sciences Nat ». Elles montrent une ascension spectaculaire au cours des trois trimestres, depuis une place effacée dans le peloton, jusqu’au petit groupe des échappés, en tête de la course. Cette impétuosité évoque les « montées cyclistes du Faron » qui, de 1920 à 1966, ont révélé de grands champions, tels que Robic, Bahamontès ou Lucien Aimar. En toutes circonstances, l’effort paye et Michel Bonjardini l’a bien démontré. Je n’ai pas été étonné de le retrouver bien plus tard, devenu le chevalier blanc du Faron, le charismatique Président de l’Association qui en assure la défense et en impose la protection, avec un beau palmarès de succès dans les procédures engagées.

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C’est dès 1960 que j’obtiens au Lycée Dumont d’Urville le poste que j’occuperai durant 31 ans. Peu après j’entreprends la préparation d’un DES (Diplôme d’études supérieures) avec l’étude écologique de la végétation marine du Port Pothuau aux Salins d’Hyères, sous la direction du Professeur Roger Molinier. Avant la soutenance en 1964, un second sujet à débattre m’est imposé : un commentaire sur une publication du Professeur René Molinier (père de Roger) intitulée « la végétation des collines formant le cadre montagneux de Toulon ». Il s’agit principalement du Faron, du Coudon, du Croupatier, du Gros Cerveau et du Mont Caume. Sur le moment, je perçois cette obligation comme une marque de désintérêt pour mes propres travaux. La publication de René Molinier est courte et assez aride, avec des cartes en noir et blanc peu explicites pour des profanes. Pourtant je joue le jeu et m’aperçois qu’une série de monographies, telle que celle qui m’est proposée, est riche d’information si on la transforme en une comparaison méthodique, révélant des ressemblances et des différences qu’il convient de constater, puis d’expliquer. En l’occurrence, les 5 collines-sœurs sont de fausses jumelles dont chacune se distingue des 4 autres par une réelle personnalité. Finalement, changement de programme au cours de la soutenance : le Président du Jury (René Molinier en personne) use de son pouvoir discrétionnaire pour annuler mon exposé sur les collines toulonnaises. Il préfère prolonger la discussion sur mes recherches marines. Apparemment j’ai bachoté pour rien sur le sujet bis. (à suivre)